C’est ce qu’on appelle : un principe de précaution. Un principe défini et entériné lors du Sommet de Rio en 1992, et qui pose que l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures anticipatives de gestion de risques, eu égard aux dommages potentiels sur l’environnement et la santé. En d’autres termes, la précaution s’impose même si le risque est hypothétique. C’est visiblement la position qu’a adopté, vendredi, l’Assemblée de Corse, à l’unanimité des votants, – à l’exception du groupe Andà Per Dumane qui n’a pas participé au vote -, pour demander prudemment un moratoire sur l’installation de la 5G. Une décision de Normand, pas simple pour des élus corses pris en tenaille entre le risque sanitaire clamé par les Collectifs et associations de défense de l’environnement, et les impératifs du développement défendus par le secteur économique dans une île déjà si peu connectée et où certains territoires de l’intérieur ne le sont même pas du tout. «
Il ne s’agit pas de s’opposer par principe à la 5G. Il s’agit simplement de réclamer le droit pour les élus d’avoir tous les éléments d’appréciation pour prendre position sur cette nouvelle technologie. Il est important de ne pas être à la remorque d’avancées ou de prétendues avancées technologiques qui ont des conséquences sur la santé », cadre le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, à l’origine du rapport qui argumente cette demande.
Le droit de décider
La demande fait écho au débat national contre le déploiement de la dernière génération de réseau mobile et à la polémique mondiale qui a trouvé une résonnance locale avec la création, début juillet, d’un Collectif citoyen Terra Libera. Il s’est déchainé depuis quelques jours avec la montée au créneau des associations de défense de l’Environnement contre le projet d’installation d’antennes 4G de 18 mètres de haut sur le plateau du Cuscionu et aux aiguilles de Bavella, à proximité du village de Quenza.. «
Un certain nombre d’oppositions se sont manifestées de la part du milieu associatif et de citoyens qui reprochent à la 5G son impact sanitaire. Des études sont en cours, mais ne sont pas encore totalement concluantes à cet égard. Nous attendons notamment une étude de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Il y a une contradiction pour l’Etat de commencer le déploiement de la 5G alors que la même administration est en attente des résultats d’une étude. Cette chronologie est un peu étrange. Elle ne respecte pas les différentes étapes », s’étonne Jean-Guy Talamoni. Avant de s’interroger : «
Si les retombées sanitaires sont les plus inquiétantes, les conséquences environnementales sont indiscutables sachant que la 5G consommera 3 fois plus d’énergie que la 4G. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Et des conséquences sociales s’il faut changer d’appareil. En Corse, la fracture numérique est déjà très importante, notamment chez les jeunes. Il faut tirer cela au clair ». Il conclut : «
C’est un moratoire, pas un refus. Il nous faut réaffirmer le droit pour les élus de savoir, de décider et de n’être pas à la remorque d’intérêts privés. C’est le principe fondamental que je vous demande de mettre en application ».
Un signal de prudence
Une position prudente qui semble plutôt partagée, sur les bancs de la majorité d’abord, mais aussi à droite qui adhère à l’idée de patienter, comme le souligne Jean-Martin Mondoloni, président du groupe Per L’Avvene : « L’aide à la décision, c’est de cela dont il s’agit. Nous avons été ballotés, tenaillés entre des expertises parfois contradictoires. Il ne s’agit pas de heurter le déploiement, mais d’un moratoire qui vise à nous éclairer. C’est notre conception de la décision politique qui ne devrait intervenir qu’au terme des expertises. Les collectifs citoyens sont de véritables remparts contre les dérives, mais on ne peut pas s’en contenter et tout confondre. Ils nous envoient un signal de prudence dans lequel on doit s’inscrire, mais qui ne doit pas interdire la décision ». Tout aussi favorable, François-Xavier Ceccoli, élu du groupe la Corse dans la République, rappelle qu’« Il y a déjà un déploiement très fort pour rattraper le retard structurel du réseau Internet en Corse. Le déploiement de la 4G n’est pas terminé, il existe toujours des zones blanches. Commençons par les fondations, c’est mieux que de vouloir faire le toit en premier ! Terminons notre déploiement tel qu’il se doit sur les deux années qui viennent. Mettons à niveau ce que l’Etat s’est engagé à faire sur le déploiement de la 4G avec la disparition des zones blanches. Lançons ce moratoire et essayons d’en savoir plus. Avant de mettre encore plus la santé de nos populations en danger, ce moratoire me semble un juste équilibre entre l’avancée technologique qui fait que les peuples doivent évoluer et la santé publique ».